Immobilier commercial : Droit et négociation au Canada

Commercial Real Estate Leases Laws

Bien que les baux commerciaux aient de nombreux points communs d’une province à l’autre, il existe des différences subtiles qu’il est important de prendre en considération lorsqu’on travaille pour des clients qui ont des intérêts immobiliers dans tout le Canada.

Certaines de ces différences résultent du fait que le système juridique canadien est un système bijuridique, ce qui signifie que deux systèmes de droit coexistent. Cette tradition trouve son origine dans les conflits des XVIIe et XVIIIe siècles entre la France et la Grande-Bretagne. Ainsi, le Québec est une juridiction de droit civil, tandis que le reste du Canada est régi par la common law. La common law est un ensemble de lois dont les règles sont fondées sur les précédents et la coutume. À l’inverse, le droit civil contient un ensemble de règles, connu sous le nom de Code civil du Québec, qui vise à régir les relations entre les parties.

C’est dans la définition du bail que l’on trouve l’une des principales différences entre les baux commerciaux au Québec et dans le reste du Canada. Le Code civil du Québec définit le bail comme un contrat par lequel une partie s’engage à procurer à une autre partie la jouissance d’un bien, meuble ou immeuble, pour une durée fixe ou indéterminée, moyennant une contrepartie. Cette notion est définie différemment en common law, où le bail est considéré comme un accord contractuel par lequel une partie transmet à une autre partie un bien en échange de quelque chose de valeur.

Lors de la négociation de baux commerciaux au Canada, il faut notamment tenir compte des différences décrites ci-dessous.

Le devoir de la bonne foi dans les baux commerciaux

Bien qu’il soit reconnu dans tout le Canada par la législation ou par la décision historique de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Bhasin c. Hrynew (2014), le devoir de bonne foi diffère selon qu’on s’intéresse à l’interprétation de ce devoir en droit civil ou à son application en common law.

Au Québec, le Code civil stipule que toutes les parties à un contrat doivent se comporter de bonne foi « tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction ». Cela signifie généralement que le comportement des personnes engagées en vertu du contrat ne sera pas abusif ou trompeur d’une manière qui obligerait une partie à résilier le contrat. Cela s’applique non seulement au contrat lui-même, mais aussi à la formulation du contrat et à son exécution. La bonne foi sert donc de norme de conduite entre les parties tout au long de leur relation, ce qui inclut la coopération et la loyauté afin de permettre à toutes les parties de tirer profit du contrat.

Dans le reste du Canada, l’obligation de bonne foi s’applique à tous les contrats et, selon le juge Cromwell de l’affaire Bhasin c. Hrynew (2014), signifie simplement que « les parties ne doivent pas se mentir ni autrement s’induire intentionnellement en erreur au sujet de questions directement liées à l’exécution du contrat ». Contrairement au Québec, cela n’exige ni un devoir de loyauté ni qu’une partie fasse passer les intérêts de son partenaire contractuel avant les siens.

Restrictions légales limitant la durée d’un bail

La durée d’un bail au Québec ne peut excéder 100 ans et si un bail va au-delà de cette durée, celle-ci doit être réduite à 100 ans. De plus, les baux au Québec d’une durée supérieure à 40 ans – y compris les renouvellements – sont assujettis au paiement de droits de mutation. La Loi concernant les droits sur les mutations immobilières – le régime québécois des droits sur les mutations immobilières – considère un bail d’une durée supérieure à 40 ans comme une mutation déclenchant l’imposition de droits sur les mutations immobilières. De même, les autres provinces canadiennes ont une législation analogue. D’autres limites à l’égard de la durée sont prévues en Ontario, où la Loi sur l’aménagement du territoire interdit de conclure une transaction ou un contrat qui accorde l’usage d’un terrain ou un droit foncier pour une période supérieure à 21 ans, y compris les périodes de renouvellement, à moins que la transaction ne relève des exemptions prévues par la Loi. Autrement, l’approbation en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire est requise. L’objectif de cette limitation est de permettre le contrôle municipal du développement urbain.

Cession de bail commercial

En vertu de la common law, aucun consentement n’est nécessaire pour céder un bail, mais la pratique commerciale courante veut que le bail ait préséance sur la common law dans ce cas. Dans la plupart des cas, le bail interdit explicitement les cessions et les transferts ou ne les autorise qu’avec le consentement préalable du propriétaire. Aucune disposition dans la common law ne prévoit de telles interdictions ou n’oblige le propriétaire à agir raisonnablement.

Le Code civil du Québec stipule qu’un locataire peut céder son bail en donnant un avis au propriétaire en plus d’obtenir le consentement de ce dernier. En outre, la loi prévoit que le propriétaire ne peut refuser son consentement sans motif valable. Toutefois, ces dispositions ne sont pas d’ordre public. Ainsi, dans la plupart des baux commerciaux, le consentement du propriétaire doit être obtenu et une liste des circonstances dans lesquelles le consentement du propriétaire peut être refusé sera incluse dans le bail.

Bien qu’une cession de bail ait pour conséquence de mettre fin à la relation légale entre le locataire initial et le propriétaire, l’ancien locataire peut demeurer responsable envers le propriétaire en vertu du contrat, même s’il n’occupe plus l’espace. Il est important de noter qu’au Québec, la loi prévoit que la cession d’un bail libère le locataire de ses obligations, mais encore une fois, cette disposition n’est pas d’ordre public. Le propriétaire peut se soustraire à cette obligation en stipulant dans le bail que le locataire initial restera responsable avec le nouveau locataire de l’exécution de toutes les obligations du bail. Il est essentiel de comprendre la différence entre le Québec et le reste du Canada en ce qui concerne la cession du bail, car elle définit directement quelle partie est légalement tenue de respecter les conditions du bail.

Enregistrement du bail

Cet aspect important doit être examiné dans chacune des juridictions. L’intérêt que présente l’enregistrement d’un bail est de protéger les droits du locataire contre les tiers. Par exemple, si un nouvel acheteur acquiert les locaux, le tiers sera tenu de respecter le bail pendant toute sa durée. Au Québec, tout bail peut être inscrit au Registre foncier au moyen d’un avis et ne doit contenir que les renseignements prescrits par le Code civil du Québec. La possibilité d’enregistrer un bail est également offerte dans d’autres provinces, mais dans certains cas – comme en Colombie-Britannique – l’enregistrement d’un bail nécessite le consentement du propriétaire et la signature par ce dernier d’une forme abrégée du bail. En outre, dans certaines circonstances, une enquête peut être nécessaire pour enregistrer le bail, ce qui rend la procédure longue et coûteuse.

Comme mentionné ci-dessus, en plus de nombreux autres aspects à garder à l’esprit, des différences subtiles doivent être prises en compte lorsqu’on travaille avec des clients qui ont des intérêts immobiliers au Canada.